Ces renseignements, je les tiens depuis mon adolescence de personnes âgées, aujourd'hui disparues qui aimaient passionnément leur village et qui m'ont communiqué "l'histoire orale", aussi des documents d'archives et aussi des travaux d'historiens tels Georges Granchamp ou Gérard Détraz. Bien sûr, ce sont des notes personnelles qui ne peuvent être publiées, n'ayant pas, surtout pour la partie "orale"la moindre référence. Tout de même, honnêtement, il me semble que cela correspond à la réalité. Le Clos Savoyard a dû avoir pour origine, la propriété d'un paysan, monsieur LACOMBE, dont les descendants, devenus notaires influents et bourgeois aisés de la ville d'Annecy, ont agrandi successivement au fil des années, le domaine. On peut supposer que les dépendances orientées de la façon dont elles sont construites, pour une utilisation uniquement viticole, ont été construites vers 1700 ou même avant. La maison de maître doit avoir sensiblement le même âge. Michel Joseph LACOMBE, né à Sevrier, est ordonné prêtre en 1786 et nommé professeur à Annecy. En 1789, quand éclate la révolution française, la Savoie fait partie depuis des siècles du Duché de Savoie Piémont, état souverain et indépendant. La frontière entre cet Etat et la France est le fleuve "le Rhône". En septembre 1792, les troupes révolutionnaires françaises franchissent le Rhône, à Seyssel et sous les acclamations de la population, y compris celles du clergé, surtout du bas clergé, d'origine rurale. Au fil des mois, pour des raisons différentes, nombreuses, graves, les relations entre les Savoyards et les autorités révolutionnaires s'assombrissent sérieusement. Des émeutes, des soulèvements éclatent en divers endroits du département et les prêtres qui dans leur majorité ont refusé de prêter serment à la Constitution partent au Piémont ou au Val d'Aoste. Ceux qui sont restés, peu nombreux sont pourchassés et risquent la déportation. A Sevrier, le Curé BOURGEOIS est de ces derniers ; âgé, traqué sans répit, il connaît une fin très dure et lamentable, ce qui révolte encore plus la population, d'autant plus qu'il était très aimé, étant lui-même natif du hameau de Letraz à Sevrier. Au Piémont, où il était réfugié, le Père LACOMBE apprenant la triste fin du curé BOURGEOIS, décide de revenir à Sevrier clandestinement, à ses risques et périls, pour reprendre son ministère. Très entouré par la population, il se cache, soit dans des fermes ou des grottes naturelles au flanc du Semnoz et, toujours en cachette célèbre les offices religieux, soit dans les caves du "Clos Savoyard", soit dans celles de la ferme BUTTIN au hameau des Choseaux. J'ai entendu dire que par beau temps, des messes dominicales étaient dites au sommet de la colline de Chantemerle, d'où il était très facile de surveiller les alentours. Le Père LACOMBE, très actif, a été arrêté et libéré in extremis par des sevriolains, dans des conditions mémorables, alors que des gardes le conduisaient à Annecy. La paix civile revenue avec le Concordat, le Père LACOMBE a pu se dévouer au grand jour pour les habitants de Sevrier. C'est à lui que l'on doit la première école gratuite pour les enfants, garçons et filles des paysans. Cette école construite en 1804 est maintenant devenue le musée du costume savoyard après avoir été vers 1900, école communale des filles et avoir abriter la cantine scolaire municipale, qui fonctionna seulement en hiver. Le Père LACOMBE est décédé en 1820, après avoir établi une fondation pour le fonctionnement de l'école qu'il avait ouverte et œuvré beaucoup pour les réparations de l'église, du clocher et du presbytère, le tout gravement endommagé par l'ardeur révolutionnaire et anti-religieuse. Malgré des réparations sérieuses, l'église était en 1865, dans un tel état que le Conseil municipal décida la démolition pour reconstruire au même emplacement une nouvelle église. Cette église neuve, l'église actuelle, fut consacrée en 1881 et pendant les travaux, tous les offices religieux avaient lieu au hameau de La Combe au "Clos Savoyard" actuel, à l'époque "Clos Rougeux". Des vieux sevriolains, nés à cette époque disaient "j'ai été baptisé au Clos Rougeux" ou d'autres précisaient "je me suis marié au Clos Rougeux". Il convient d'ajouter qu'à cette époque, le bureau de tabac était tenu par une famille Delétraz de La Combe, qu'une ferme auberge de la famille Richard était très fréquentée par les sevriolains, surtout après la messe dominicale, dite au "Clos Rougeux" à deux pas, qu'il y avait au-dessus du hameau les Fours à chaux, où travaillaient chaque jour une douzaine de sevriolains, pour comprendre que le hameau de La Combe était très animé et qu'il a été pendant longtemps, un peu comme le centre de Sevrier et qu'il est considéré par les vieux habitants "chargé d'histoire", surtout pour ceux qui savent que plusieurs drames se sont déroulés dans le secteur. Et plus près de nous, la tragédie des résistants fusillés en 1943, quelques mètres à l'arrière du monument, au bord de la route du Col. Il n'y a aucun lien entre le patronyme du Père Lacombe et le nom du hameau de La Combe où se trouve le "Clos Savoyard".
Henri Gurret |
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